Mai 2025 – Les choses bougent !

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Durant le mois de mai, mois de sensibilisation aux tumeurs cérébrales, j’ai toujours la même émotion qui remonte. Le temps a beau passer et faire son affaire, rien ne s’oublie. Il suffit de pas grand chose pour que je me retrouve propulsée dans les émotions de ce mois de mai 2018.

Le 9 mai 2018, la vie d’Anatole prenait alors une toute autre direction que celle, toute tracée, qu’on lui avait espérée et notre vie de famille se retrouvait engloutie dans une perspective étrange où le temps se dilue, celle de la maladie grave, de l’hôpital et de l’univers médical, du monde de l’incertitude. Dans ce genre de situation, quand la promesse des jours devient moins évidente et moins légère, la vie bascule mais, étonnamment, elle devient tellement plus dense. Les jours d’après se vivent avec ce paradoxe immense par lequel on prend la pleine mesure du prix de la santé parce que celle-ci est défaillante.

7 ans

Cela fait 7 ans qu’Anatole est entré dans cette vie décalée. Tout d’abord avec la naïveté de l’enfance. Est-ce ce qui l’a aidé ? On dit que les enfants ont de meilleures chances de s’en sortir pour ce genre de pronostics simplement parce qu’ils gardent le moral et n’ont pas peur. Nous encouragions notre fils à aller de l’avant. Nous voulions qu’il garde espoir. Nous l’avons sûrement surprotégé pour qu’il continue à avoir cette approche positive et confiante. La maladie, l’éventualité de la mort, ce n’est pas quelque chose qu’il est facile d’aborder avec son enfant. Anatole grandissant, sans jamais nous en parler directement, sûrement pour nous protéger à son tour, prenait conscience peu à peu de son cancer. La maladie qui dure, les handicaps qui s’installent, cette différence qu’il se prenait en pleine figure. Son moral faisait du yoyo. Les difficultés de l’école s’ajoutaient à celles de la vie quotidienne. Nos préoccupations se sont alors décalées de l’oncologie pédiatrique au monde du handicap. Il fallait qu’on accepte, en même temps que lui, les séquelles physiques du cancer dans sa vie et dans les nôtres. Ce n’est pas rien, d’être de ce côté-là de la barrière. Mais un jour, c’est le déclic. Faciliter le quotidien déjà bien limité devient une nécessité. On franchit alors la porte du monde des “non-valides” (mais de quelle validité parle-t-on ?). Ce qui vient alors, c’est un grand soulagement.

Un nouvel élan

Pour Anatole, cela incluait l’école. C’est en France que nous sommes allés chercher un établissement scolaire adapté. C’est officiel aujourd’hui, Anatole ira rejoindre les élèves de troisième de l’EREA Toulouse-Lautrec de Vaucresson à la rentrée prochaine ! Une nouvelle vie commence pour lui dans un établissement où tout sera mis en place pour qu’il progresse dans ses apprentissages sans avoir à souffrir de ne pas avoir les bons supports, de ne pas pouvoir lire ou écrire, d’être le seul pour qui les aménagements sont prévus, etc… Nous sommes convaincus qu’il saura tirer profit de ce changement d’univers, même si aujourd’hui, bien sûr, il est difficile de quitter la Suède, le Lycée Français Saint Louis (Anatole n’a connu que cela, il est né en Suède !) et ses amis. Car ce choix a un coût, celui de partir pour la région parisienne et de laisser derrière nous notre vie suédoise.

Pour ceux que cela intéresse, voici un documentaire sur l’établissement dans lequel Anatole sera dorénavant un élève heureux et, nous l’espérons, épanoui !

Dans un registre plus romancé, regardez la mini-série Lycée Toulouse-Lautrec, que nous avons visionnée en famille pour nous donner une idée du quotidien de la vie dans ce lycée hors-normes, avec des problématiques d’ados tout ce qu’il y a de plus ordinaire, finalement…

Le framerunning aux Paralympiques !

Anatole ayant eu un vrai coup de coeur pour le framerunning, il était important de pouvoir en poursuivre la pratique une fois rentrés en France. Après quelques prises de contact, il est déjà prêt à être accueilli à bras ouverts au sein d’un club à Saint Quentin en Yvelines mais également au sein de la famille de l’athlétisme handisport francilien. Cela promet de belles rencontres et des challenges sportifs dignes de ce nom !

De plus, le Framerunning est officiellement intégré aux Jeux Paralympiques de 2028 à Los Angeles… De quoi motiver totalement notre champion en devenir par un défi de taille !

Et le traitement d’Anatole, dans tout ça ?

Anatole a effectué un voyage aux USA en mars pour un check-up de contrôle auprès du Dr Kilburn au Washington children’s hospital : La tumeur est stable, inactive, nous continuons le traitement. On ne change pas une équipe qui gagne… Sauf que dorénavant, ce sera en France qu’Anatole sera suivi et ce, à Gustave Roussy par l’équipe du Dr Grill. C’est avec une émotion certaine que nous retournerons dans son bureau, 7 ans après notre première rencontre.

L’occasion nous est donnée ici de remercier le Dr Kilburn et toute son équipe, tous nos amis de Washington qui ne nous ont jamais lâchés pour que nous soyons approvisionnés en ONC201 et ont assuré la chaîne de solidarité avec le personnel de l’ambassade de Suède à Washington (Big up à Marianne), et avant tout notre ami Al Musella de la Musella Foundation qui, en prenant en charge la mise en place de l’usage compassionnel pour Anatole en avril 2019, lui a tout simplement sauvé la vie.

L’intérêt commercial du ONC201

Il s’en passe des choses dans le monde de la recherche. Le ONC201 – dont le nom officiel est désormais le Dordaviprone – est en développement clinique depuis 10 ans aux Etats Unis dans différentes pathologies dont les gliomes malins avec mutation H3K27M. La première étude chez l’homme du ONC201 a débuté en janvier 2015 aux USA sous la forme d’un essai de phase I ouvert sur un seul site et recrutant des patients adultes. Le premier enfant à être traité a dû attendre 2018, l’année du diagnostic d’Anatole. Le ONC201 est d’autre part étudié dans le cadre de l’essai de phase III pour évaluer son utilisation chez les patients atteints de gliome diffus mutant H3 K27M, non récurrent et nouvellement diagnostiqué, ce qui pourrait étendre son utilisation au traitement de première intention.

Le laboratoire Chimerix (qui avait racheté Oncoceutics en janvier 2021) vient de faire l’objet à son tour d’un rachat par Jazz Pharmaceuticals, un laboratoire pharmaceutique dédié au “développement de médicaments pour les personnes atteintes de maladies graves, souvent sans options thérapeutiques, dont: les troubles du sommeil, l’épilépsie et un nombre croissant de cancers”. L’acquisition de Chimerix par Jazz a été finalisée le 21 avril 2025.

L’approbation par la FDA

Aux USA, un médicament doit être approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) avant d’être mis sur le marché. Selon le laboratoire Jazz Pharmaceuticals, le Dordaviprone a le potentiel de devenir le premier et le seul traitement pour les patients atteints de gliome diffus avec mutation H3K27M. Le laboratoire souhaite le développer et pouvoir le commercialiser dès le second semestre de cette année. Pour cela, le laboratoire a demandé une procédure accélérée auprès de la FDA qui a accordé l’examen prioritaire de la demande d’autorisation de mise sur le marché. 85 % des procédures d’approbation accélérée concernent des médicaments anticancéreux, ce qui représentait entre 2013 et 2017 pas moins de 46 nouveaux médicaments.

Cette procédure, si elle aboutit, permet d’obtenir une approbation temporaire de mise sur le marché permettant de réduire le temps d’autorisation de mise sur le marché définitive des médicaments susceptibles d’avoir un impact particulièrement important sur le traitement d’une maladie. L’évaluation est moins rigoureuse, mais les essais cliniques se poursuivent afin de valider définitivement le bénéfice du médicament. En contrepartie de l’octroi de l’approbation, les laboratoires pharmaceutiques s’engagent à effectuer des tests cliniques complémentaires et à démontrer l’efficacité clinique de leur médicament. 

La date butoir de cette procédure pour le Dordaviprone a été fixée au 18 août 2025.

En Europe, ce que cela signifie

Depuis octobre 2021, la mise en place d’un protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel développé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et Gustave Roussy autorise l’utilisation en France du Dordaviprone dans des conditions sécurisées et encadrées.

Le rachat de Chimerix et l’approbation du Dordaviprone par la FDA a menacé ce protocole européen. Chimerix a menacé de poursuite le fabriquant qui synthétisait le principe actif ONC201 pour les préparations magistrales faites par Gustave Roussy. En conséquence, Gustave Roussy a dû suspendre la fabrication du médicament en préparation magistrale. De plus, l’agenda européen de Jazz Pharmaceuticals pour le ONC201 n’est pas connu.

Mais l’institut Gustave Roussy (médecins, pharmaciens, direction) s’engage à continuer de proposer l’accès au ONC201 aux patients qui peuvent en bénéficier tant que le médicament n’a pas une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en Europe et qu’il est approuvé par les organismes d’évaluation des technologies de la santé (ETS). Un nouvel accord avec Jazz Pharmaceuticals a été mis en place en urgence pour que le protocole compassionnel continue pour tous les patients déjà suivis comme les nouveaux, cette fois avec la molécule directement produite par le laboratoire.

Un été en mouvement

L’été arrive. Anatole a fêté ses 15 ans avec ses copains (15 ans !!). L’année scolaire est terminée, le brevet passé (on attend les résultats, mais déjà nous pouvons saluer l’exploit d’avoir tenu le coup durant deux jours d’épreuves au planning serré !). Ce soir, il dit au revoir à ses amis au bal de fin d’année de l’école. Demain, nous célébrerons notre dernière Midsommar suédoise. Une page se tourne.

La leçon à retenir de tout cela, s’il y en a une, c’est que la vie continue, elle est bel et bien là et se profile avec un avenir, certes incertain, mais terriblement vibrant.

L’épreuve révèle bien des choses. On apprend à changer son regard sur les choses et les gens, et on se découvre plein de ressources et de capacités insoupçonnées. Dans cette vision du futur en pleine mutation, le temps nous aide à prendre corps à notre nouvelle place, dans notre nouveau “moi”. on grandit, on gagne en maturité, on évolue. Quelquefois, on se retourne et on regarde le chemin parcouru. On en est les premiers surpris.

Et on est heureux de la tournure qu’il a pris. C’est ça, aussi, la vie.

Pensées pour Olga qui a commencé le ONC201 aujourd’hui et sa famille. Onnea, Olga !