Septembre 2024 – la chance de la rentrée

par Anne

Chaque année à cette période, depuis 6 ans, deux événements se téléscopent : d’un côté, la rentrée des classes qui nous rattache à la vie normale de toutes les autres familles, et de l’autre, Septembre en or, qui nous relie à la petite communauté des parents dont l’enfant est frappé d’un cancer.

Pour nous, septembre, c’est à chaque fois se remémorer la chance que nous avons d’accompagner Anatole à l’école.

Septembre en or – les chiffres

Septembre, c’est le mois du ruban doré, le mois de sensibilisation internationale aux cancers pédiatriques. L’occasion nous est donnée d’évoquer ces chiffres terribles qui n’évoluent pas :
Chaque année, 2500 enfants sont confrontés au mal du siècle, le cancer. C’est la première cause de décès par maladie chez l’enfant. 500 enfants décèdent de leur cancer par an. Fort heureusement, 83 % des enfants en guérissent.

On aimerait n’entendre que le positif de ce dernier chiffre. Sauf que… Pour 17% des enfants, le diagnostic est une condamnation à mort, faute d’accessibilité aux traitements novateurs, voire faute de traitement tout court. Le cancer pédiatrique n’est pas assez rentable parce qu’il est “rare”. Alors il y a trop peu de recherche, trop peu de médicaments. On adapte ce qui est destiné à l’adulte. Et comme ces protocoles ne sont pas prévus pour la morphologie d’un enfant, ça ne marche pas bien, ou bien ça fait des dégâts.

Alors 17% des familles quitteront l’hôpital un beau jour avec un petit sac contenant les affaires d’un enfant qui ne reviendra pas à la maison. 17% des parents refermeront leur bras sur l’absence de leur enfant. 17 % des fratries seront endeuillées. Il y aura dorénavant 17% de photos de famille incomplètes.

La résilience des 83% restants

Et puis parmi les 83% d’enfants qui guérissent de leur cancer, quel est le pourcentage des enfants qui auront une vie “comme avant ?”. Les séquelles liées aux tumeurs et aux suites d’opérations, radiothérapies invasives, chimiothérapies lourdes, sont innombrables et invalidantes. Fatigue, handicaps physiques, troubles psychiques, dépressions, récidives… L’après cancer est une nouvelle épreuve qui touche l’enfant survivant. La bonne santé après le cancer n’est pas un dû. Je me souviens qu’au moment du diagnostic d’Anatole, j’avais parlé avec un père dont la fille avait elle aussi une tumeur cérébrale. A la fin d’une conversation, il m’avait lâché : “Survivre, mais à quel prix ?”. On ne guérit pas d’un cancer. On vit avec ce qu’il a dévasté à l’intérieur, les organes, l’insouciance, l’enfance.

Quelle vie offrir à ces enfants qui font face, à un si jeune âge, à la question de la fragilité de la vie ?

Pour ces enfants, le cancer n’est pas rare. Et c’est pour ça qu’il faut continuer à en parler. Il faut continuer d’honorer leur mémoire, leur vie définitivement trop courte ou abîmée. Il faut continuer pour soutenir ces familles qui ont vécu une perte que rien ne viendra jamais combler, avec toute notre humanité, leur promettre que le fardeau de leur peine n’est pas vain : nous en faisons un moteur pour faire bouger les lignes, pour donner de la visibilité à leur vécu, pour faire en sorte qu’ils soient entendus et qu’enfin, ce combat prenne assez de place pour qu’il devienne une cause universelle à défendre. Parce qu’il ne faudrait pas dépendre de sa situation géographique, économique ou sociale pour avoir accès aux soins. Parce qu’il n’y a pas de raison d’avoir plus de chance de s’en sortir par le simple fait d’être un adulte. Parce qu’il faudrait pouvoir vivre comme tout le monde, malgré les séquelles. Parce que ces injustices ne doivent pas s’ajouter à celle du diagnostic.

Non, le cancer pédiatrique n’est pas rare, c’est d’en parler qui l’est. 6 ans que nous le savons. 6 ans qu’à la rentrée, je fais une photo de mon fils le jour de la reprise. Une photo dont je mesure la valeur quand, dans le même temps, nous échangeons avec des familles doublement touchées : par la maladie, et par la perte d’un enfant.

Rentrée en Troisième après un bel été

Anatole a effectué sa rentrée en 3ème, après un été bien occupé, entre stage de théâtre, vacances en famille et rééducation intensive en Espagne et équithérapie en Lozère. Un été durant lequel notre fils, dont les progrès sont révélateurs de ses efforts et de sa motivation, a fait une fois de plus preuve de persévérance.

Cette année, la prise en charge d’Anatole au collège est grandement facilitée par le fait que l’équipe le connait bien. Elle est aussi remarquable puisque nous avons été entendus dans notre demande d’autonomisation : Anatole sera à présent sans assistant durant deux heures, pendant la classe de musique et celle d’arts plastiques. Anatole a également plus de matières et on espère qu’il suivra le rythme. Son emploi du temps est toujours adapté, mais on sent que l’on commence tous à se demander : l’école oui, mais… après ? Y aura-t-il toujours la possibilité d’aménagements ? Sera-t-il toujours accompagné ? Quelle orientation donner à sa scolarité ? Pour atteindre quels objectifs ? Quelle formation ? Quel avenir ?

Face aux handicaps, la réponse de l’inclusion

Dans la vie de tous les jours, les handicaps d’Anatole ont des répercussions importantes sur sa vie d’ado : l’école, les loisirs, les copains. Il faut trouver le juste milieu entre inclusion, principe magnifique mais qui ramène toujours le handicapé à ses propres limites puisqu’il évolue uniquement avec des “valides” (quel mot étrange que ce terme-là !) ; et activités adaptées, comme le framerunner pour les loisirs. Et là, il faut être prêt à côtoyer le monde du handicap. Une porte pas évidente à pousser.

Moi, ça m’a pris 6 ans pour franchir cette porte-là. Et quelle claque ! J’ai découvert un univers que j’ignorais totalement, celui des gens hors normes. Handicap physique, psychologique, trouble du comportement, handicap invisible mais bien réel… Je ne croise que des personnes admirables. Où sont-elles, toutes ces personnes en situation de handicap, dans la vraie vie ? Quelle place est-ce que notre société leur fait ? Les jeux paralympiques viennent de se terminer et je suis ravie de l’engouement qu’il y a eu autour de ces compétitions. Mais où disparaissent ces athlètes une fois la cérémonie de clôture passée ?

Sommes-nous prêts à ouvrir grand les portes des clubs de sport, des écoles, des centres de loisirs, des entreprises, des restaurants, des théâtres et cinémas, de nos propres maisons sans aucune discrimination ni regard de biais ? Les mentalités évoluent, mais il reste tant à faire…

Le handicap : un défi personnel et familial

Bien sûr, Anatole est le premier concerné. Le handicap est un facteur isolant pour un ado de 14 ans. Se faire des copains qui connaissent les mêmes difficultés que lui nous paraît aujourd’hui une clef indispensable à son épanouissement. Ses amis actuels sont formidables mais peuvent-ils comprendre son quotidien ? Notre fils ose-t-il partager ses doutes, ses craintes, ses peines avec eux ? Et en même temps, Anatole est catégorique sur ce point : hors de question d’évoluer uniquement avec des handicapés !

C’est pour cela que, pour la rentrée de l’année prochaine, nous souhaitons inscrire Anatole dans un établissement où élèves porteurs de handicap et élèves valides se côtoient. Cet aspect social pris en compte, nous prospectons à l’heure actuelle pour savoir quel serait l’établissement le mieux adapté aux handicaps d’Anatole : la fatigabilité, le handicap moteur et la déficience visuelle, tout en proposant un environnement propice à son autonomisation. Surtout, cette école permettrait d’avoir accès à des ressources plus élaborées et une approche pédagogique mieux rôdée face au challenge du triple handicap. Autant dire qu’il nous faut trouver la perle rare, ou l’équipe en or, prête à défier tous les pièges de l’adaptabilité pour qu’Anatole soit à l’aise dans sa scolarité.

En tant que parent d’enfant porteur de handicap, nous devons dépasser nos craintes face au monde du handicap, être proactifs, rechercher ce qui pourrait aider notre garçon, trouver des solutions, des adaptations, des avancées. Nous ne pouvons jamais nous reposer sur nos lauriers. Même si l’école nous aide actuellement, et je salue l’équipe pédagogique de notre établissement qui est formidable, est-ce que ce que nous avons mis en place est suffisant ?

Il nous faut toujours aller chercher au-delà de ce qui nous est imposé. Je dis toujours à Anatole que tout est possible, ce n’est qu’une question d’organisation. Parfois, ce serait plus simple de lui dire “Non, laisse tomber”. Mais je n’en ai aucune envie. Je ne veux pas que mon fils se retrouve à vivre une vie à moitié parce que la société n’a pas pensé à lui. Nous devons bousculer les limites, quittes à nous tromper.

Mais ne jamais prendre un non pour seule réponse recevable.

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7 commentaires

Alain Demairé 24/09/2024 - 23:13

Support, advocate and cure. Quel voyage familial! Never give up! Never ever.

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Saran Dominique 25/09/2024 - 06:53

Bravo Anatole, je suis tes progrès, ton combat et celui de tes parents depuis 2019 quand j’ai entendu l’appel de ton papa sur Europe 1. Le courage que tu as et l’amour de tes parents te donnent la force que tu exprimes pour continuer à lutter et à progresser. Bisous

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Vanina 25/09/2024 - 07:27

Toujours cette si jolie plume pour aborder des sujets complexes. Cela nous aide à toucher du doigt les séquelles dont on parle peu et que nous méconnaissons. Je suis admirative de la force d’Anatole au quotidien face à toutes ces difficultés.

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Éric 25/09/2024 - 08:14

Merci pour ces nouvelles, Bonne année de 3ème Anatole ! En attendant une nouvelle aventure scolaire et familiale, en France…!
Plein de bises à toute la famille !

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Laurence 25/09/2024 - 08:33

Je suis heureuse de lIre qu’Anatole va bien.
Merci pour ces mots Anne.

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Sabarly 25/09/2024 - 08:48

Bravo Anatole pour ton courage ! Et aussi à ceux qui t’entourent si bien ! L’amour donne des forces que l’on n’imagine pas.
Je suis contente de ces bonnes nouvelles.
Plein de bises

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FRACES NATHALIE 27/09/2024 - 07:25

Merci Anne pour ces nouvelles et encore BRAVO à toute la famille pour votre courage et ténacité.
Je suis comme à chacun de tes commentaires tellement admirative et triste de la dure réalité de notre monde.
BRAVO ANATOLE, tu es déjà un GRAND CHAMPION !
Bises à tous

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