2022 – Engagement et persévérance

par Anne
Anatole

2022 nous ouvre ses portes. Devant cet avenir qui s’ouvre à nous, nous nous sentons investis par deux missions distinctes et complémentaires. Bien évidemment dans un premier temps, il s’agit de l’accompagnement permanent de notre enfant vers une vie la plus autonome et la plus normale possible, mais également en deuxième lieu de la poursuite de notre engagement auprès des associations et des familles pour la cause du cancer pédiatrique et plus spécifiquement l’accès au ONC201.

L’entrée au collège

Forts d’une année de CM2 plutôt “tranquille”, l’entrée en sixième d’Anatole nous apparaît comme une simple formalité. Cependant, le collège, avec son rythme, son organisation aux horaires irréguliers, la demande accrue d’autonomie vis-à-vis des élèves et la multitude de professeurs, est une étape difficile pour tous les enfants. Pour Anatole c’est encore plus vrai. Son planning, même aménagé par l’équipe pédagogique, est trop ambitieux dès le départ. Nous avons tous eu, sans le vouloir, les yeux plus gros que le ventre. De plus, aux horaires d’école s’ajoutent les activités extra-scolaires (théâtre dont il raffole, club d’échecs, club jeux de société) et les séances de rééducation. Anatole a un emploi du temps de ministre, bien trop chargé qui ne peut lui convenir.

Mais Anatole ne comprend pas. Puisque nous lui proposons cet emploi du temps, c’est qu’il en est capable ! Avec cette volonté qui le caractérise, Anatole veut relever le défi sans même envisager un seul instant que c’est trop pour lui. Cette situation est à l’origine dès la fin de la première période scolaire, avant les vacances de la Toussaint, de symptômes tels que nausées, maux de tête, vertiges, et faiblesse dans la jambe. Des symptômes inquiétants que nous ne connaissons que trop bien, ce sont ceux de la tumeur lorsqu’elle est en progression. Après une IRM de contrôle en urgence, l’hôpital étant dans ces cas-là toujours très réactif, nous constatons que ce n’est pas lié à une quelconque évolution de la tumeur, celle-ci restant stable. Il faut donc trouver une autre cause à ces symptômes.

S’adapter à l’école ou adapter l’école ?

Les vacances arrivent à point nommé. Dès le début, plus de nausées ni de maux de ventre. Une psy nous confirme que ce sont chez les enfants des signes inéluctables de stress. Anatole veut inconsciemment trop bien faire. Restent les vertiges, plus ou moins intenses. Des examens sont faits, EEG, contrôle de la vision, des oreilles, des cervicales, tout est normal… Encore aujourd’hui, Anatole subit ces vertiges de manière continue, plus ou moins forte selon les jours, ce qui perturbe régulièrement son emploi du temps sans qu’on en connaisse la cause. Nous essayons dès lors d’établir une routine qui soit la plus adaptée aux capacités et à la fatigabilité d’Anatole. il nous faut sans cesse ajuster le tempo et définir nos priorités pour qu’il se sente le mieux possible à l’école et que la rééducation soutenue à laquelle nous le soumettons lui soit le plus profitable.

Cette pause de la Toussaint nous permet de faire le point avec l’équipe pédagogique toujours aussi bienveillante sur la stratégie à adopter pour soulager Anatole. Au retour des vacances, nous allégeons drastiquement son planning. Nous prévoyons de faire une demande auprès de l’administration française pour obtenir de l’aide, puisque tout Français résidant à l’étranger peut déposer une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). En attendant, nous tâtonnons, en essayant de concilier les horaires de classe avec les activités extra-scolaires et les soins pour qu’Anatole relâche la pression.

Au-delà de la grande peur que nous avons éprouvée devant ces symptômes, se posent des questions qui donnent le vertige : Anatole est-il en mesure de suivre une scolarité classique, même aménagée ? L’école est-elle adaptée à notre enfant ? Est-elle adaptable ? Comment engager l’école à considérer la prise en charge d’un enfant totalement hors normes ? Quels sont les aides, les soutiens, les bonnes volontés ? Ces interrogations nous demandent une souplesse et surtout une ouverture d’esprit face au monde de l’apprentissage et de ses possibilités.

La rééducation sur tous les fronts

Anatole ne connaît pas d’amélioration notable de sa motricité. Il ne va plus à la piscine, le bassin thérapeutique est toujours fermé. Nous continuons la kiné de manière hebdomadaire et des massages. Nous mettons en pause Feldenkrais en raison des vertiges. Des évaluations au niveau moteur, cognitif et psychologique sont effectuées durant ce premier trimestre. Les résultats sont encourageants. Anatole progresse petit à petit en motricité. Il réfléchit plutôt vite et bien pour un garçon qui vit avec un cancer depuis plus de 3 ans, mais il est extrêmement fatigable. Nous avons une réunion au département neurologique de l’hôpital Karolinska tout début janvier 2022. 12 personnes se sont réunies (12 ! Un vrai fan-club, comme dit Anatole !) pour discuter de ces bilans. Cette mobilisation fait chaud au cœur et démontre la volonté de chacun de trouver des solutions. En revanche, si ce rendez-vous permet la mise en contact de tous, enseignants, soignants, aidants, en vue d’une collaboration étroite, aucune décision n’est prise. C’est donc de nouveau sur nos épaules que reposent le choix des thérapies et des priorités, l’emploi du temps à aménager, les méthodes à trouver, à inventer si besoin… C’est une position inconfortable car nous ne sommes pas des spécialistes de la santé et que nous n’avons aucune idée de comment hiérarchiser et coordonner tous ces services. Ce qu’il nous manque, c’est une personne référente qui pourrait combiner toutes les aides dans le bon ordre. Cette fonction existe-t-elle seulement ? La sensation d’être seuls est la même que lorsque nous cherchions un traitement contre la tumeur. A nous de trouver, puis de convaincre du bien fondé des pistes que nous voulons tenter, et qui souvent ne sont que des intuitions. Comme nous aimerions n’être que les parents de notre enfant et non pas coach, chef de projet, organisateur, logisticien… et surtout magicien !

Les thérapies nouvelles pour la rééducation

Parallèlement, nous continuons à faire appel à des thérapies ou des approches novatrices. Nous retournons tout début janvier au centre Brain Moove à Pleurtuit. Cette fois-ci, Anatole suit un planning bien (trop ?) chargé sur la semaine à base de techniques telles que le Brainport, le Vibramoove, le Gyrostim, le Neurofeedback, la musique filtrée, la photobiomodulation… Ces techniques ont pour but de jouer sur la neuroplasticité du cerveau. Stimuler, reprogrammer, changer la perception… Tout est bon. Différentes sessions sont programmées pour par exemple aider le cerveau d’Anatole qui est en surexpression dans l’hémisphère gauche à réduire dans cette zone l’activité des ondes bêta, synonymes d’activité intense. Ou comme le Brainport couplé au Gyrostim pour stimuler les muscles d’extension et d’équilibre et leurrer le cerveau afin de changer sa représentation de l’équilibre. On joue sur l’intensité des séances et leur répétition dans un temps donné pour espérer voir une évolution à long terme. Pour Anatole, c’est dur. Ces séances lui demandent beaucoup de concentration et le fatiguent. Le côté ludique est inexistant, il est face à des machines et doit “travailler”. Il comprend néanmoins les enjeux d’un tel stage et se plie aux attentes des thérapeutes et de leur programme.

Nos actions de sensibilisation aux USA

Depuis le printemps dernier, à l’appel de la fondation Musella qui nous a tant aidés, nous témoignons régulièrement de notre parcours du combattant pour obtenir le traitement d’Anatole aux USA. Le groupe de travail CUPA (Compassionate Use & Preapproval Access) de la NYU Langone School of Medicine de New-York nous a invités à plusieurs reprises à participer à des colloques en ligne. Cela nous permet de sensibiliser des docteurs, des soignants, des scientifiques, des industriels de l’industrie pharmaceutique à la problématique de l’usage compassionnel, vu du côté des aidants. La prochaine conférence CUPA virtuelle dont voici le programme est fixée au 26 janvier. 

Témoigner pour briser le tabou

A ma petite échelle, à défaut de prendre la parole pour invectiver les foules, mon roman intitulé “Un été exceptionnel” aux Editions Denoël, fortement inspiré de notre histoire, veut avant tout briser le silence autour du cancer pédiatrique et délivrer un message d’espoir. Je compte bien en parler encore et encore le 15 février, lors de la journée de sensibilisation aux cancers pédiatriques. Partout, je martèle sans cesse “Le cancer pédiatrique n’est pas rare, c’est d’en parler qui l’est”. 

Le recueil “Regards – Maladies infantiles graves, des proches témoignent” auquel nous avons participé aux côtés de 35 autres familles, a atteint ses objectifs. D’abord, recueillir des fonds pour la recherche : orchestré par la fédération Grandir Sans cancer qui a lancé un appel à projets, de nouveaux angles de recherche vont pouvoir être financés grâce à un don participatif de 10000€. Ensuite, sensibiliser les pouvoirs publics : d’après les dernières nouvelles, ce but a également été atteint.

Les avancées face aux cancers pédiatriques

Sur le front du cancer pédiatrique, l’année 2021 s’est terminée sur une série de trois très bonnes nouvelles. Tout d’abord, le 29 octobre dernier, les députés français ont voté une hausse du budget de 20 millions d’euros du fonds alloué à la recherche, ce qui porte celui-ci à 25 millions d’euros. Deuxièmement, la proposition de loi pour renforcer le congé de présence parentale a été adoptée. L’allocation journalière de présence parentale (AJPP) passe de 310 à 620 jours, doublant la durée d’indemnisation auxquels peuvent prétendre les parents d’un enfant gravement malade avec une revalorisation de 300€ de plus par mois. Et plusieurs autres allocations pour les familles ayant perdu un enfant sont maintenues.

L’arrivée du ONC201 en France

Durant la Conférence SNO des 18 et 19 novembre derniers, les bons résultats du ONC201 ont été communiqués. Ce médicament étant jusqu’alors accessible uniquement en essai clinique ou en usage compassionnel aux USA devenait très difficile à obtenir, en raison de la pandémie, pour des non-Américains. En Europe, seul un médecin en Allemagne pouvait en toute légalité fabriquer et vendre un médicament à tout point de vue similaire, mais à un coût très élevé. L’accès au seul traitement valable des tumeurs semblables à celle d’Anatole était fortement conditionné à des critères pénalisants et injustes. Aussi avons-nous été vraiment très heureux d’apprendre qu’en France, depuis novembre 2021, le traitement d’Anatole est proposé en usage compassionnel à Gustave Roussy. C’est la grande nouvelle de cette année, celle qui nous donne le plus d’espoir pour les enfants atteints de tumeur cérébrale de type DMG/DIPG en France et en Europe. Pour nous, c’est une avancée énorme dans l’accessibilité aux soins innovants, et un grand soulagement que de pouvoir orienter les familles qui nous demandent comment obtenir le médicament.

Le ONC201 reste aujourd’hui la seule option prometteuse pour ces cancers et nous encourageons les proches à en parler à leurs équipes médicales. Bien évidemment, nous continuons à répondre aux questions des parents intéressés dans la mesure de nos connaissances et notre expérience. Nous restons également avec d’autres associations et parents en étroite collaboration avec Gustave Roussy pour que l’information atteigne toutes les familles concernées, en France comme ailleurs dans le monde.

Nous avons pris la décision de continuer de faire suivre Anatole en usage compassionnel à Washington. Nous estimons qu’il est inutile de changer d’équipe médicale maintenant alors que tout est mis en place et organisé pour la prise en charge d’Anatole entre Stockholm et Washington. Nous pensons également que si le traitement venait à évoluer, nous y aurions accès plus rapidement par le biais de notre oncologue américain. Enfin, nous ne souhaitons pas en bénéficiant du ONC201 en France prendre la place d’un autre enfant qui aurait besoin du médicament mais ne pourrait pas, pour de multiples raisons voyager.

Enfin, le colloque FAST (Further Accelerating Specific Treatments for children with cancer) pour accélérer la recherche sur les cancers pédiatriques, organisé par l’association Imagine for Margo, a lieu le 12 février au Palais du Luxembourg. Nous prévoyons d’y participer. Il sera l’occasion de rencontrer médecins, chercheurs, institutionnels, parlementaires, industriels du médicament, fondations, associations et familles pour faire le point sur ces avancées et toutes celles à venir.

Toujours droit devant

Tant qu’il y a des options, il y a de l’espoir. C’est notre credo pour notre fils avec son parcours de vie à tout point vue extra-ordinaire mais pour tous les enfants amenés à traverser la même épreuve. Nous nous sentons toujours aussi concernés par le sort de tous les jeunes patients touchés au cœur de leur enfance.

Nous vous souhaitons une bonne année emplie de douceur et de joie. Et nous embarquons, tous, équipage aussi varié que talentueux, prêt à naviguer en suivant ces itinéraires plus ou moins tracés, avec ces routes plus ou moins sinueuses, ces mers calmes et ces tempêtes en direction de ces destinations incertaines et lointaines, où le cancer pédiatrique sera pris en charge et traité en priorité avec le même accès aux soins pour tous.

Merci d’être avec Anatole sur ce bateau de fortune, et de continuer à le suivre. Mais vous l’avez compris, capitaine plus que moussaillon, notre fils nous aide à maintenir le cap !

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10 commentaires

Desmaris Brigitte 20/01/2022 - 07:47

Chère Anne,
C’est vrai que vous devez être parents et en même temps dirigeants pour que l’avenir d’Anatole évolue dans le bon sens.
Respect pour vous et pour votre implication pour les autres enfants qui sont dans le même cas et pour ce traitement qui va donner de l’espoir à tous.
Brigitte, celle qui évolue dans l’ombre mais qui reste toujours présente auprès de vous où Anatole prend une grande place.

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Lluis Fajas 20/01/2022 - 08:09

Bonjour,

C’est impressionant, nous pourrions signer presque mot oar mot vos expériences et le parcours d’Anatole et vous même. Je suis le papa de Julia qui, dépuis plus de trois ans a une tumeur au cerveau. Nous sommes expatriés en Suisse. L’école, les hopitaux, les thérapies,…pour se rendre compte qu’à la fin, nous sommes les responsables d’organiser et veiller pour sa tumeur. Toutes mes félicitations pour votre courage et témoignage.

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Bruneau 20/01/2022 - 18:26

Merci pour ces nouvelles! Heureux que le stage se soit bien passé. Bonne année à Anatole, en espérant que son « fan club » vs aide à trouver les solutions adaptées pour diminuer le stress.

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Madeleine 20/01/2022 - 19:05

Merci pour ces mots qui ouvrent une porte sur un univers modelé par l’espoir et le courage. Mes pensées vous accompagnent dans cette course de fond – et de vie.

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Sabine 20/01/2022 - 23:13

Votre petit garçon est un vaillant capitaine de vie mais il a aussi la chance d’avoir des parents exemplaires. Merci pour cette incommensurable force que vous dégagez.
Très belle et douce année 2022 à votre famille 😍

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Agnès 20/01/2022 - 23:14

Merci pour tout ce que vous faites pour les autres enfants. Cette épreuve aurait pu vous rendre égoïstes, elle vous a au contraire incités à partager. Vous êtes des parents formidables et Anatole doit être fier de vous. Bravo Anatole pour ton courage, tu es un exemple. et bravo pour ta joie qui rayonne sur cette photo
De gros bisous, virtuels en ce moment bien sûr 😉

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Tricou 20/01/2022 - 23:30

bravo Anatole et vous ses parents êtes admirables. J’espère que 2022 vous apportera des douceurs et des joies dont vous avez ben besoin. Continuez à bien tenir la barre du navire.

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Pariaut Anne 21/01/2022 - 00:10

Je vous adresse tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année. L’entrée d’Anatole en 6eme me rappelle que c’est en 6eme que j’ai rencontré son papa. Malgré les difficultés je lui souhaite de se faire des bons copains et de partager des bons moments. À son âge, son papa était déguisé en Jules César en cours de latin. J’essaierai de lui faire parvenir des photos. Belle année,
Amitiés

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TOLEDO Michael 21/01/2022 - 15:34

Un modèle de courage, d’altruisme et de positivité, de tout cœur avec vous …

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Nico 23/01/2022 - 21:02

Permettez moi de vous félicitez et de vous remercier pour la qualité de votre témoignage. Permettez moi aussi de vous dire mon admiration pour votre action pour votre fils bien sûr mais aussi pour tous les enfants et familles qui vivent ce genre de situation.
Exprimer ce que cela représente n’a rien d’évident, même auprès de son entourage direct. Vous décrivez remarquablement ce combat long et incertain où l’on retrouve souvent des doutes, parfois de l’incompréhension d’autrui et du coup une forme de solitude résignée mais aussi des joies, de petites et de grandes victoires, des rencontres admirables qui incitent à toujours aller de l’avant. Justement vis à vis de personnes extraordinaires que j’ai moi-même eu l’occasion de rencontrer, il ne m’a jamais été facile d’exprimer un remerciement qui soit à la hauteur, décrire ce qu’une aide peut représenter pour l’enfant et pour sa famille tout en respectant la pudeur de chacun. Votre témoignage apporte une aide là aussi. Mille mercis.
Je vous souhaite le meilleur pour Anatole et pour votre famille.

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