2 ans avec mon cancer – bilans, espoirs et défis

par Anne

Il y a deux ans, le 9 mai 2018, Anatole était diagnostiqué d’une tumeur au cerveau, un gliome diffus de la ligne médiane, un cancer sans appel : grade 4, inopérable, incurable. Le monde tout autour de nous a perdu de sa consistance, la vie s’est évanouie. La maladie pénétrait dans notre quotidien, concrète, écrasante. Notre fils rejoignait un club, très fermé, celui des enfants cancéreux.

Depuis ce 9 mai 2018, nous sommes dans l’incapacité de nous projeter. Nous n’avons aucun avenir concret, aucun futur à rêver pour notre enfant et notre famille. Dans la course des jours, nous avons égaré notre insouciance. Le vent d’incertitude actuel lié à la pandémie et au confinement ne nous affecte pas plus que ça, comme si nous étions déjà bien rodés à l’obligation de revoir nos priorités, nos plans, nos vies tout entières… Demain peut être un cadeau ou un enfer. Où allons-nous ? Aucune idée. Nous sommes simplement tenus de vivre au présent et d’essayer de le faire pleinement, avec le sourire, et d’un bon pas.

Depuis deux ans, nous accompagnons notre fils dans son périple au pays des enfants malades et également à travers le monde, cherchant la meilleure option de traitement existante à ce jour. Ce voyage nous a emmenés bien au-delà de nos frontières physiques, mais aussi psychologiques. Comme tout voyage, une fois l’appréhension passée, la peur de l’inconnu surmontée, nous nous sommes adaptés à cet univers médical ignoré de nous jusqu’alors, avec ses codes, ses règles, ses difficultés. Ce n’est pas un périple agréable ni facile. Ces nouveaux paysages nous sont maintenant devenus tristement familiers.

Le 4 avril 2019, presque un an post-diagnostic, Anatole commençait à bénéficier d’un traitement expérimental aux USA, le ONC 201, après un parcours du combattant entre Paris, Stockholm, Houston et Washington. Nous n’étions pas seuls sur cette route. Nous avons pu compter sur une multitude de personnes qui nous ont soutenus dans notre recherche du traitement adéquat, dans notre quête de changement matériel ou spirituel, qui nous ont accordé et continuent à nous accorder, en plus de leur amitié, leur temps, leur énergie et leurs compétences avec cœur et générosité. Sans elles, rien, nous n’aurons rien fait pareil. Sans elles, nous n’aurions pas pu avancer, tenir sur la durée.

Le 3 mai 2019, il y a un an, nous revenions des USA où nous irions régulièrement dorénavant pour avoir la possibilité de soigner notre fils. Nous y étions restés presque deux mois. Ce voyage-là fut pavé de petits miracles et de rencontres fortuites. À notre retour en Suède, nos familles nous avaient rejoints à Stockholm le temps d’un week-end pour un moment privilégié. Anatole était faible et fatigué, mais heureux d’être de retour chez lui, bien entouré et confiant. 

Que dire sur cette année passée ? Nous avons vu notre enfant revenir à la vie. Être plus éveillé. Plus présent. Montrer des signes de vitalité qui l’avaient abandonné. Gagner un petit peu plus en autonomie. Nous avons vu son quotidien s’organiser de nouveau autour d’une vie d’enfant. Sollicité aussi bien intellectuellement par son année de CM1, avec le double challenge du confinement et du rattrapage de CE2 que physiquement, Anatole avance depuis sur son chemin de guérison avec un sourire tenace.

Anatole reste un enfant. Cela peut sembler totalement anodin pour n’importe quel parent, mais nous, nous sommes émus de retrouver tous ces moments oubliés dont on ignorait, avant de les perdre, tout ce qu’ils portaient de naturel et de vivifiant. Apprendre, s’intéresser, écouter des histoires, réciter une poésie, faire du calcul mental. Effectuer un dessin, même maladroitement, sortir ses Lego, regarder son dessin animé préféré, chanter gaiement. Se déplacer, un peu bancal mais seul et sans béquille. Prendre plaisir à être avec ses amis, demander leur compagnie, interagir, plaisanter. Et rire, beaucoup. Croyez-nous, ce n’est pas rien de voir son enfant en vie.

Anatole reste un enfant malade. Il affronte avec une détermination et une volonté incroyables cette maladie et tous les changements qu’elle a provoqués dans sa vie : problème de vue, de mobilité, de fatigue, de mémoire… Son hémiparésie est toujours bien présente et son côté gauche le trahit encore. La préhension de la main gauche est quasi-inexistante. Sa concentration n’est pas optimale, la fatigue vient vite. Son champ de vision réduit est un réel handicap pour ses déplacements et son apprentissage. Il nous faut adapter son quotidien, trouver des solutions, chercher nous-mêmes toutes les aides extérieures, demander des équipements spécifiques et faire en sorte qu’il soit intégré à part entière et accepté tel qu’il est. Heureusement, il est entouré de gens extraordinaires qui l’aident, à l’école, dans ses loisirs, pour ses soins. Il a des copains exceptionnels qui passent outre le fauteuil, l’élocution parfois difficile, les gestes maladroits dus à sa mauvaise vision ou la simple fatigue et qui considèrent Anatole comme un petit gars comme les autres.

Anatole est un conquérant. Pour qu’il puisse participer au cycle patins à glace de son école, nous avons loué une luge de hockey handisport. Nous avons depuis une semaine un vélo adapté à son hémiparésie. Lui donner accès à la plupart des activités de son âge est un défi de taille. Mais il nous paraît primordial qu’il ait accès aux mêmes plaisirs que les autres enfants. Pour qu’il ne soit pas laissé pour compte. Lui est toujours partant, rien ne l’arrête ! Il est habité par une joie de vivre qui nous porte tous dans les moments de lassitude. Son moral est inaltérable et le conduit, jour après jour, à repousser ses propres limites. Lui-même n’imagine pas les montagnes qu’il gravit. Chaque amélioration de son état, aussi minime soit-elle, s’ajoute à la liste de ses exploits. Nous sommes fiers et admiratifs devant sa volonté de fer.

Anatole reste un patient. Son traitement nécessite des contrôles réguliers à l’hôpital, prises de sang, IRM bimestriels. Nous avons encore une fois assisté à l’un de ces petits miracles qui jalonnent notre itinéraire. Nous avons pu aller jusqu’à Washington juste avant la fermeture des frontières. Notre équipe américaine nous a épargné le stress des déplacements pour seize semaines. Nous devions y retourner fin juin, mais nous avons bon espoir de faire venir le médicament jusqu’à nous. Nous serions ainsi tranquilles pour 8 semaines supplémentaires, ce qui nous pousserait à fin août.

Anatole reste avant tout en sursis. Deux ans se sont écoulés depuis le diagnostic. Anatole fait partie des 10 % qui survivent à ce type de tumeur dans les deux ans suivant le diagnostic. Cinq ans après, ils ne sont plus que 1 %. Nous avons déjà vu tant d’enfants partir, laissant des parents sous le choc, hébétés par la violence de cette maladie, la rapidité de son évolution. Des parents qui ont à peine le temps de se faire à l’idée que leur enfant les quitte et qui se retrouvent seuls, dévastés, à devoir accepter l’inconcevable.

Nous sommes chanceux. Croyez-nous, nous en sommes conscients. Mais nous avançons la peur au ventre, peut-être même chaque jour un peu plus. Nous vivons dorénavant sur la défensive, le doute sans cesse s’invitant dans nos pensées. Aujourd’hui, la tumeur d’Anatole semble stabilisée. Il se peut qu’il s’agisse d’un plateau et qu’elle reprenne sa courbe descendante. Ou peut-être pas. Rien n’est prévisible et nous marchons à l’aveugle, en guettant le moindre signe d’amélioration, sans pour autant omettre que tout peut s’arrêter d’un instant à l’autre et se détériorer.

Go gray in May. Le mois de sensibilisation au cancer cérébral s’achève. Plus que jamais, nous avons besoin de vous, d’être dans vos pensées, dans vos prières, d’être accompagnés, portés par vous. Ce chemin est éprouvant, si vous saviez… Ce qui le rend si dur, c’est que nous n’en connaissons ni la durée, ni la destination. Nous ne pouvons exiger qu’il soit sans surprise ni sans difficulté. Nous l’espérons riche d’amour et de sagesse. Nous aimerions qu’il soit aussi annonciateur de progrès dans le traitement des gliomes, pour d’autres enfants confrontés à la maladie avec ce traitement expérimental. Nous ne demandons pas à ce que notre vie redevienne comme avant, nous ne sommes pas si naïfs. Nous aimerions simplement qu’Anatole trouve le plus possible sa normalité dans cette enfance hors-normes.

Avec patience, sans jamais abandonner, nous continuerons d’avancer, la main d’Anatole serrée dans la nôtre, en souhaitant simplement qu’il aille vers son destin et que celui-ci soit le plus beau, le plus grand et le plus long possible.

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24 commentaires

Sylvie 01/06/2020 - 14:20

De tout cœur avec vous 4. 💖 Bisous

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Frédérique Fauve 01/06/2020 - 22:20

Anatole tu es toujours dans mes pensées, je pense à toi très très souvent
Je suis heureuse de voir que tu peux ressentir par moment un peu d’insouciance et de légèreté
Grosses bises à toi et à ta maman
Frédérique

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Alain Demairé 01/06/2020 - 14:47

Récemment diagnostiqué avec un myèlome, je comprends votre vie. Lá où nous sommes avec ce que nous avons d´amour nous agissons. Anatole vous a amenés à vous dépasser parce que vous vous êtes mis en chemin. Ne vous souciez ni de la peine ni de la fatique mais vivez chaque instant en plénitude.
Votre témoignage est exemplaire.

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Vanina de T 01/06/2020 - 15:11

Quelle belle écriture!
…qui nous permet de partager cette “aventure,” la violence de ces émotions. Merci de partager ce chemin intérieur, et ce sourire d’Anatole qui rayonne. Nous vous accompagnons dans nose pensées quotidiennes et nos prières. ❤️🎈

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LAMOTHE 02/06/2020 - 21:33

Quel beau témoignages parcours mdr combattant pour Anatole. Medulloblastome en 2001 pour mon fils âgé de 5 1/2 ans.il est toujours la. Je n oublierai jamais ces moments. Depuis 3 ans, je me bats pour que ces enfants qui survivent aient une société plus inclusive et un emploi dans un milieu ordinaire. C est magnifique.Bravo et courage courage.♥️🎗️♥️🎗️

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Emmanuelle 01/06/2020 - 15:13

Merci pour ces pensées qui nous touchent tant. Anatole est un modèle de force et de joie de vivre à qui nous faisons souvent référence ! Valeureux chevalier, continue tes progrès et trace ton chemin ! Et éclaire nous toujours de ton sourire !
Nous vous embrassons

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Olivia 01/06/2020 - 15:30

Merci pour votre récit, qui a des mots si justes et si sensibles…. Anatole et la famille restent tous les jours dans nos prières. Vos persévérance est inspirante, vous êtes une famille de combattant ! Je vous embrasse !

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Jean Louis GIRAULT 01/06/2020 - 15:52

C’est toujours un grand plaisir de vous lire Anne et d’apprendre qu’Anatole va pour le mieux. Je suis de tout coeur avec vous par la pensée et vous adresse tous mes sincères encouragements. Très cordialement. Jean-Louis

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Nathalie 01/06/2020 - 16:03

Tant de sagesse de votre part nous rend si humbles face à la vie, ses joies et ses épreuves. Courage et force à toute votre famille et bravo à Anatole pour ses progrès et son indéfectible volonté d’avancer.

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nicolas sondaz 01/06/2020 - 16:53

Bravo Anatole pour ton courage et ta combativité… on est de tout coeur avec toi et ta famille dans cette longue aventure.

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Baude 01/06/2020 - 18:06

Vous êtes dans mes pensées , mes prières , je vous accompagne sur ce chemin si éprouvant , je lis chacune de vos lettres avec moi aussi la peur au ventre ….pour vous ….et le soulagement quand je vous qu’Anatole tient le coup et que le traitement le stabilise …c’est le petit garçon formidable de parents formidables ….j’agis dans le milieu des soins palliatifs , alors je sais à quel point chaque instant de vie , chaque petit moment de bonheur , chaque instant gagné , chaque sourire est une victoire …mais je sais aussi le chagrin , la fatigue , l’angoisse , l’insouciance à jamais disparue ….mais vous êtes une famille de combattants ….et je soutiens de tout mon cœur votre combat , votre engagement …j’y crois très fort !!!
Marie Baude

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sandrine Descamps 01/06/2020 - 18:15

Merci pour ces nouvelles; on pense bien à votre famille et à cette épreuve. Anatole est si touchant.
Sandrine maman d’une jeune fille de 20 ans en rémission d’un sarcome depuis 18 mois

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Van Hulle Anne-Marie 01/06/2020 - 18:52

Quel courage, quels parents aimants et admirables vous faites. Vous gagnerez ,bataille après bataillle, cette guerre impitoyable. Anatole est au front, Il reviendra blessé, mais vivant et toute une vie pour oublier. De tout cœur.

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Claire 01/06/2020 - 19:22

Merci Anne pour vos nouvelles. Nous pensons bien fort a vous 4. ❤️

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Chavry Delphine 01/06/2020 - 22:56

Bravo pour votre force incroyable, votre sagesse et vos mots si justes, si poignants.
Toute mon affection et mes pensées positives. Vous allez y arriver j’en suis certaine <3 <3 <3

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Sylvie BROTHERWOOD 02/06/2020 - 10:14

Merveilleux parents, je vous adresse mes affectueuses pensées et mes prières.
Grâce à vous, Anatole vit le meilleur qui soit : tous les possibles dans sa vie de petit garçon et tous les trésors d’Amour humain.
Vous lui offrez la légèreté et la force de l”enfance.
Soyez fiers et sûrs de cela à chaque nouveau jour.
Je vous embrasse, ainsi que votre incroyable petit bonhomme.

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Lydia DEBREE 02/06/2020 - 11:37

Ne jamais cesser d’y croire… everything is gonna be alright… ❤️ANATOLE❤️

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CHRISTOPHE CARON 02/06/2020 - 19:36

A chaque fois que j’ouvre un de vos nouveaux message, je suis toujours autant subjugué par votre force et votre courage.
Nous sommes nombreux à vous suivre et a espérer de tout notre coeur de lire de bonnes nouvelles d’Anatole.
Très affectueusement !

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Françoise BAYART 02/06/2020 - 23:21

Bravo à vous qui “portez” votre enfant pas à pas chaque jour.
Ceux qui se plaignent ici de devoir porter un masque ne savent rien de votre courage, et de celui d’Anatole.
.Pensées positives depuis la France, un grand sourire pour Anatole.
Françoise

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Blandine 03/06/2020 - 09:32

Merci pour ces nouvelles et pour la franchise de ce partage, à la fois dans le combat pour la vie, la modération de l’espérance et la vie au présent.
Paradoxalement Anatole, et vous ses parents, nous édifiez par votre exemple. Vous restez dans mon coeur et mes pensées, puisse ce minime accompagnement vous aider à continuer sur ce rude chemin.

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Papa Maman 03/06/2020 - 20:08

On vous embrasse de tout coeur tout les quatre Papa Maman

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Audrey 04/06/2020 - 22:47

C’est une très grande épreuve que vous subissaient. Vous êtes tous tellement valeureux et courageux !
J’espère que tout cœur qu’Anatole puisse un jour dire c’est du passé et puisse regarder de l’avant. Ça semble possible avec les evolutions!
Bravo et courage à vous tous !

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Kou 16/06/2020 - 23:51

Bon anniversaire Anatole. 😉

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Pla 06/07/2020 - 16:45

Quel bonheur de voir qu’Anatole peut à nouveau faire certaines choses et que sa tumeur s’est stabilisée. Ca fait chaud au cœur de le voir avec ce sourire qui ne le quitte jamais sur les photos. Je suis admirative de la force, du courage et de la combativité d’Anatole, mais également de tout ce que vous faites pour votre enfant, la prunelle de vos yeux ! Tenez le cap et profitez les uns des autres : câlins, bisous …
Stéphanie, atteinte d’un médulloblastome en 2010 à l’âge de 34 ans.

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