L’étape des 5 ans : c’est si peu, c’est tellement !

par Anne

Depuis 5 ans, le 9 mai, mon moral me joue des tours sans que j’y puisse quelque chose. Même en plein milieu d’une journée radieuse de printemps, je peux me mettre à pleurer sans raison apparente et n’en comprendre le motif que lorsque je fais le lien. Le 9 mai, c’est pour moi une date à la puissance évocatrice indélébile, un point de bascule gravé au fer rouge dans mon coeur et jusque dans mon inconscient. Le 9 mai 2018, c’est le jour où nous apprenions qu’Anatole était atteint d’une tumeur cérébrale.

5 ans : Une étape symbolique

Alors non, le 9 mai, nous ne fêtons rien. Cependant, si l’on compte les années, ces 5 ans marquent une étape symbolique. Pour une fois que les chiffres jouent en notre faveur ! Le 9 mai signifie que nous venons d’achever la cinquième année post-diagnostic.
Pour les malades du cancer, le taux de survie à 5 ans est souvent donné comme un cap. Si après 5 ans, le patient est toujours en vie, la probabilité est élevée que le cancer ait disparu de son organisme.
En anglais, il existe même un acronyme que l’on peut trouver sur les rapports médicaux, 3 petites lettres : NED. “No Evidence of Disease”. Pas de signe, plus de trace de la maladie. 3 petites lettres si significatives et chargées de sens.
Par ailleurs, on dit d’un patient qu’il est en rémission lorsque, suite au traitement, son état de santé s’améliore et qu’il n’y a plus aucun signe de la maladie. Au bout d’une période de temps fixée arbitrairement à 5 ans, la rémission change de nom et devient guérison. 

5 ans et l’on peut s’entendre dire qu’on a guéri d’un cancer.

5 ans : la possibilité d’une vie

Savez-vous combien de patients atteints d’un gliome diffus de la ligne médiane dépassent ce cap ? 1%. Seulement 1 patient sur 100 peut espérer atteindre ces 5 ans post diagnostic. Autrement dit, 1 sur 100 a le droit de prétendre à un avenir. Nous l’avons entendu, lu. Nous y étions. Croyez-moi, il faut vraiment s’accrocher à chaque microparcelle d’espoir pour se convaincre qu’on peut être du bon côté de ce pourcentage. Ou préférer marteler que chaque cancer est unique et que personne ne peut se laisser limiter à être un tout petit chiffre dans une sombre statistique… Cela reste la réalité dans la sphère médicale. 1%. C’est si peu.

Dans le cas d’Anatole, le résidu de tumeur, stable, nécrosé et inactif, reste cependant visible sur les images. Les séquelles physiques liées à la tumeur lorsqu’elle était en progression sont importantes. Mais nous tendons irrémédiablement vers ces 3 lettres, vers ces 5 ans. C’est tellement.

Puisque nous sommes dans les chiffres, ces 5 ans représentent pour un (presque) adolescent de 13 ans un tiers de vie. Pour Anatole, un tiers de vie en étant atteint dans son intégrité physique. 5 ans à subir la plus stigmatisante des transformations, celle de passer du statut de valide et bien portant à cancéreux et handicapé. Bientôt, plus aucun de ses amis ne se souviendra du petit garçon qu’il a été dans “la vie d’avant”. Parce qu’un fauteuil roulant et une difficulté d’élocution le définissent et le limitent d’emblée jusqu’à le résumer mieux qu’un trait de personnalité. Un tiers de vie. C’est si peu. C’est tellement. 

Oublier la vie d’avant

Il y a 5 ans, pouvais-je seulement imaginer que je verrais mon fils vivre ? Marcher sans béquille ? Prendre tous ces centimètres d’un coup, chausser la même pointure que moi, me serrer la main jusqu’à me broyer les doigts ? et que j’entendrais cette voix de garçon naviguer à vue entre les graves et les aigus, en pleine mue ? Que de chemin parcouru, toujours inespéré. Ou plutôt inattendu, car nous avons espéré de toutes nos forces chacune des heures vécues depuis.

Il est temps de passer à autre chose. Oublier le traumatisme de notre fils qui, on ne sait pas comment, reste ce feu de joie incandescent. Oublier le silence de notre aînée qui s’est fait toute petite pour ne pas être un poids, pour ne pas déranger, en restant elle aussi ce soleil magnifique. Oublier nos angoisses et notre détresse, oublier aussi ces temps forts de solidarité et d’entraide, oublier notre émotion lors des premiers résultats positifs, signes d’une possible amélioration… Oublier ce qui a tissé notre quotidien durant ces 5 années. C’est vrai en un sens, il est temps d’évoluer même si nous sommes toujours sur un fil. 5 ans, pas de quoi s’appesantir. Sauf qu’oublier n’est pas une option. Vivre avec me semble plus approprié. Ces 5 années nous ont tant appris sur la vie, sur les choses, sur nous-mêmes. C’est si peu. en même temps, c’est tellement.

Imaginer La vie d’après

Depuis 5 ans, nous vivons avec le cancer et ses conséquences. Nous interprétons le quotidien avec ce prisme. Est-ce contraignant ? Oui, et non. C’est un peu comme le verre à moitié vide, à moitié plein. Ce que je retiens, c’est qu’il n’est qu’à moitié. C’est cette demi-mesure qui est perturbante et change entièrement la donne car nous devons inventer sans cesse la vie qui va avec. Nous savons dorénavant tout ce qui est perdu. Mais nous devons réfléchir à tout ce qu’il est possible de gagner. Cette constatation nous oblige à casser le moule, à sortir du cadre, puisque, de toute façon, nous sommes hors cadre. Des marginaux. Avec un enfant hors normes. Extra-ordinaire. Tous ces mots portent en eux leur pesant de créativité, même si c’est une liberté chèrement acquise. Tout reste à faire, à imaginer. A nous de décider, de repousser les réticences des uns et des autres et de faire en sorte que la vie d’Anatole soit un exemple, comme son parcours de soins. Nous continuons à avoir besoin d’aide pour ne pas nous sentir exclus, nous continuons à apprendre que rien n’est figé ni stérile. C’est parfois éreintant. C’est souvent exultant. La récompense est là lorsque nous sommes en mesure de dire à notre fils : oui, tu peux. Quand nous admettons, avec lui, que les limites, c’est dans la tête, et qu’avec une bonne dose de détermination, on arrive à les dépasser. C’est une fierté personnelle et un exemple à donner.

5 ans et davantage

5 ans pour tant de parents, nous le savons, c’est un rab de vie, de baisers, de mains tenues, de rires qu’ils auraient souhaité avoir avec leur propre enfant. Pour ces parents, n’allez pas leur dire que 5 ans ne valent rien. 5 ans, c’est énorme. Le parcours médical d’Anatole donne beaucoup d’espoir aux familles dont l’enfant vient d’être diagnostiqué. Parce qu’il représente une option, une possibilité de gagner du temps, de rémission, et pourquoi pas, de guérison ? En tous cas, une capacité de croire en demain. et que ce demain, aussi compliqué soit-il, soit rempli de promesses d’une vie inattendue.

Je sais que tous les 9 mai réveilleront en moi une grande émotion et il en sera ainsi jusqu’à la fin de mes jours. En ce mois de sensibilisation internationale contre les tumeurs cérébrales, je m’unis à toutes les familles qui doivent faire face à leur 9 mai. Que l’exemple d’Anatole permette de croire à ces 5 ans, ces 3 lettres, ces 1%.

C’est si peu. C’est tellement.

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17 commentaires

Blanc michelle 17/05/2023 - 20:18

Très heureuse d’apprendre la progression d’Anatole.
5 ans déjà qu’il se bat courageusement contre cette maudite maladie et que vous devez subir les moments
De doute mais aussi d’espoir.
Tous mes vœux vous accompagnent .
Un gros câlin à Anatole.

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Touchard 17/05/2023 - 22:43

Anatole forza. …. Je t ai déjà écris /….j ai 52 ans et a eu un cancer agressif à 18 ans …/ je peux partager mon expérience avec toi et tes parents
Je t embrasse

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Christel Cloteaux 17/05/2023 - 23:16

Tant qu’il y a de la vie….il y a de la vie, point. Force a vous, famille extra – ordinaire. Je vous souhaite une éternité de bonheur à vous toutes et tous. Amitiés. Christel

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hart 17/05/2023 - 23:19

Merci Anne pour ce magnifique texte qui raconte si bien les montagnes russes, les verres à moitié, les espoirs et les renoncements mais surtout votre feu qui brule en dedans et la force de vie d’Anatole si drôle et si fin!
Les photos sont superbes, Anatole a encore changé depuis le mois de Mars! Quelle joie de voir comme il se fait jeune homme!
Marianne

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Esclassan 18/05/2023 - 00:27

Quel bonheur de voir Anatole grandir, toujours souriant ! On lui fait entière confiance pour apporter des bonnes nouvelles. Et si le quotidien n’est pas toujours très facile, sa bonne humeur et sa volonté restent des modèles pour nous tous. Bravo à tous les quatre, c’est une victoire collective !
Les toulousains vous embrassent

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Lilia Selhi 18/05/2023 - 00:47

Quelle histoire extraordinaire, quel dénouement si apaisant! Je vous suis depuis le tout début lorsque vous aviez lancé une cagnotte pour permettre à Anatole de suivre un essai clinique aux US. Que d’émotions depuis, de leçons de courage, de résilience, d’espoir envers et contre tout, quelle patience!
Cet enfant est incroyable. Et ses parents aussi sont incroyables.

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douzon 18/05/2023 - 07:55

je suis heureuse pour vous – longue vie à Anatole ! – grosses bises

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Laurence 18/05/2023 - 09:03

Chère Anne Cher Fabrice
Si vous saviez mon admiration pour vous. Pour votre ténacité dans le parcours de soin d’Anatole. Vous êtes extraordinaires et je le sais car quelque part nous sommes dans le même bateau même si votre combat est bien plus compliqué de part un diagnostique différent. Je sais donc les montagnes que vous avez soulevées. Chaque fois que je vous lis je pourrais faire un copier coller avec mes sentiments et aussi deux de ma famille. Anatole peut être fier de vous et fier de lui et de sa sœur aussi. Je souhaite que de nombreuses années s’ajoutent à ces cinq années. Nous aussi c’est le cap des 5 ans. Ce fût le 17 Mai 2018 et en vous lisant je comprends aussi mon mal être de ces derniers jours. Ce poids qui est arrivé sur moi sans que je n’en comprenne le pourquoi.
Je vous embrasse ainsi qu’Anatole sans oublier sa grande sœur.

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Zins 18/05/2023 - 10:43

Merci pour ces chouettes nouvelles d’Anatole et de votre famille Anne. Vous avez été et êtes plein d’une très grande force et vous allez continuer encore à en avoir beaucoup. Je vous souhaite mille et une bonnes choses car de la difficulté dont votre vie à été imprégnée durant ces 5 années vont naître des joies qui seront d’autant plus extraordinaires à apprécier. Sans oublier tous les petits bonheurs du quotidien que vous avez désormais appris à savourer pleinement lorsqu’ils sont devant nos 5 sens.
Longue et belle vie à Anatole, à sa sœur et à ses parents !
Frank

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Béatrix Roberti 18/05/2023 - 14:02

Merci pour ces nouvelles Fabrice et Anne, la guérison d’Anatole et tout ce chemin familial me bouleverse. Je pense régulièrement à vous tous et vous embrasse affectueusement.
Béatrix

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Marina Roberts 18/05/2023 - 16:14

Une pensee pour Anatole…heureuse de lire ces nouvelles. je lui souhaite le meilleur, et que ces 5 ans se multiplient! En effet, 5 ans c’est tellement….
Bon courage a vous tous.

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Louise Martin 18/05/2023 - 22:13

Thank you for such an uplifting and emotive update. Wishing you and your family all our love.

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Van Hulle 19/05/2023 - 18:29

C’est toujours très émouvant d’avoir des nouvelles d’Anatole que je suis très fidèlement. Il est en passe de vaincre cette terrible maladie. Il peut être fier peu y parviennent alors bravo à lui et à ses parents pour leur courage et leur volonté de vaincre. Continue Anatole tu es aimé et on t’admire 👏

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Aurélie Mehl 20/05/2023 - 10:49

Tu as raison Anatole, garde toujours le pouce levé et ton sourire qui respire la vie et l’envie.
Bonne continuation grand, tu as encore tellement de belles choses à découvrir, entouré de ta super famille.

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ROBERT Dominique 23/05/2023 - 13:39

Mon Dieu ! Que d’émotions ! J’en pleure ! Merci, mille mercis pour ce partage, pour cette leçon de vie, de courage et d’espoir ! Domie

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LAETITIA CLABE 24/05/2023 - 19:25

Anatole tu grandis mais c’es toi qui nous fait grandir. Ton sourire illumine les cœurs
Toi, Anne, Fabrice et Lulu, vous êtes géniaux !

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LAETITIA CLABE 24/05/2023 - 19:25

Anatole tu grandis mais c’es toi qui nous fait grandir. Ton sourire illumine les cœurs
Toi, Anne, Fabrice et Lulu, vous êtes géniaux !

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