Septembre 2022 – Anatole et les suites de son cancer

par Anne

Notre dernier article date de janvier… On dirait bien que le temps a filé sans que l’on y prenne vraiment garde. Et on dirait bien que le vieil adage est toujours valable : Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !

Point sur la tumeur

En tous cas, pour Anatole, pas de “nouvelles” nouvelles. Les dernières IRMs n’ont montré aucune évolution de la tumeur. Les tests sanguins sont bons. Les séquelles physiques n’ont pas changé. L’état général d’Anatole est très satisfaisant et nous avons à nos côtés un petit garçon qui grandit, plein de vie, de volonté et d’un sens de l’humour toujours intact.

12 ans déjà ! 12 ans dont un tiers de vie passé avec le cancer. Et au moins 3 ans à défier avec un sourire malicieux les pronostics les plus sombres. “Whatever you do, keep going…” nous conseillent les médecins. De ce côté-là, qu’ils se rassurent, pas de risque que nous changions quoi que ce soit !

La vie en famille

Ce statu quo avec le cancer est devenu notre quotidien. Grâce à cette accalmie, notre famille vit donc dans un semblant de retour à la normale. Nous osons de plus en plus parler de choses qui auront lieu dans 6 mois, 1 ou 5 ans. Nous repartons en voyage, et quel goût formidable ils ont, ces voyages ! Nous refaisons des plans sur la comète sans avoir un nœud à l’estomac ou les larmes au bord des yeux. Ne plus vivre dans la crainte de la mort imminente de son enfant, se défaire peu à peu de cette angoisse est un immense soulagement.

Alors oui, la tumeur semble aujourd’hui jugulée, mais elle conditionne encore et toujours la vie de notre petit gars. Se profile devant lui un avenir loin d’être tout tracé, où tout reste à inventer. Pour Anatole, l’enjeu est maintenant ailleurs : privilégier une bonne qualité de vie, trouver une certaine autonomie, gagner en maturité. 

Le challenge de la rééducation

Cet été, ce n’est pas un mais deux stages de rééducation auxquels Anatole a pris part. Deux semaines de vacances qui, pour lui, se sont évaporées et ont été remplacées par des séances de rééducation. Drôle de vie, quand même, pour un enfant. Durant ces stages, Anatole a été soumis à beaucoup de sollicitations. Le premier stage lui a demandé des efforts de concentration intenses. Durant le deuxième, les efforts physiques qu’on a exigé de lui l’ont plongé dans un état de grande fragilité émotionnelle. Nous avons pris conscience avec stupeur qu’Anatole vit dans l’appréhension et les peurs.

Devant son désarroi, nous nous sommes bien sûr demandé : pourquoi lui infliger ces épreuves, n’a-t-il déjà pas eu son lot ? Nous avions le cœur lourd à le voir se battre avec ses propres limites… Mais en même temps, pourquoi toujours le ménager sans le pousser, comme n’importe quel enfant, à puiser dans l’immense réserve de ses capacités ?

Dépasser les frontières mentales

Anatole redoute la nouveauté tout comme l’effort et la douleur physique. Cela ne vient pas de nulle part. Nous avons passé deux années à le voir presque mourir, et les deux suivantes à le voir revenir à la vie. Nous l’avons durant ces dernières années veillé comme du lait sur le feu, ce qu’aurait fait n’importe quel parent. Nous voulions le préserver des difficultés, lui éviter les douleurs superflues, les efforts trop coûteux, lui faciliter la tâche au maximum… A force, nous l’avons installé dans une zone de confort étroite dans laquelle il ne s’autorise aucun lâcher prise. Pourtant, il y a tant de choses qu’il est en mesure de faire si nous ne prenons pas les devants pour les faire à sa place ! Si nous lui indiquons comment les faire avec ses moyens à lui ! S’il veut gagner en autonomie ! Aujourd’hui, nous nous rendons compte que nous devons apprendre à faire confiance à Anatole comme il doit apprendre à se faire confiance. Et c’est uniquement sur ce socle aujourd’hui très fragilisé qu’il pourra se construire et avancer. 

L’école et ses enjeux

Anatole souffre d’une triple peine pour l’école : à ses handicaps physiques s’ajoutent une vision plus que défaillante, des vertiges persistants et une grande fatigabilité, sans parler de tous les rendez-vous médicaux qui se greffent à la place de ses heures de cours. Nous nous étions montrés bien optimistes pour cette première année de collège mais son emploi du temps s’est réduit au fil des mois comme peau de chagrin et il a accumulé de grosses lacunes durant son année de sixième.

En juin, une question s’est posée alors en termes très simples : quel est l’enjeu d’un passage en cinquième ? Est-ce pour maintenir le lien social, ou faut-il mettre l’accent sur les apprentissages ? A nous, parents, de décider… Nous avons choisi de garder le contact avec les copains. Anatole est donc entré en cinquième à la rentrée avec un programme adapté et personnalisé grâce au soutien sans faille de l’établissement et la mobilisation de toute une équipe pédagogique. Nous avons également déposé un dossier à la MDPH en février, il y a plus de 6 mois, qui est toujours en attente de réponse. Suivant la décision, ce que nous mettons en place aujourd’hui risque de ne plus être valable dans les mois à venir. Quelle énergie, quel temps perdus pour des enfants qui n’ont pas de temps à perdre !

De grands défis pour la vie

Cet avenir que nous nous remettons à envisager pour Anatole sera forcément hors des clous. Nous réalisons qu’au lieu de parler de rééducation, terme qui le ramène à ce qu’il était il y a 4 ans, nous avons besoin de parler d’évolution, qui le projette dans sa vie future. Ce que nous voulons surtout de tout notre cœur, c’est qu’il trouve sa place dans ce monde. Et si c’est à nous, parents, de mettre en place les structures et les aides qui lui permettent de se développer, en comptant sur la bienveillance de notre société, c’est à lui de trouver la voie, d’accepter ces difficultés pour pouvoir les surmonter et accéder à la liberté, de faire preuve d’une immense capacité d’adaptation pour s’épanouir en s’affranchissant de notre aide. Il s’agit bien là des fameuses racines et des ailes que tout parent souhaite offrir à son enfant. Mais est-ce qu’à 12 ans, on est en mesure de comprendre cela ?

Toujours dans l’attente

Rien n’est jamais figé en oncologie. Anatole a toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. La peur n’est jamais bien loin, elle ne desserrera jamais les mâchoires. Le doute refait de temps en temps surface, généralement au moment le moins approprié : la nuit avant de s’endormir, juste avant de tomber dans les rêves ; pendant les vacances lorsque l’on est détendu, la tête vide ; lors d’une fête joyeuse où tout le monde est heureux… Une espèce de voile vient subrepticement recouvrir les choses, cacher la lumière et étouffer les musiques tant aimées, donnant à tout cette teinte particulière née du traumatisme que représente encore aujourd’hui le diagnostic du cancer d’Anatole.

J’ai appris à apprivoiser ces vagues d’inquiétude, à ne plus me laisser complètement submerger. J’aimerais vous dire que dans ces moments-là, je me répète comme un mantra “ça va aller”, mais ce n’est pas vrai. Je fais plutôt l’autruche et j’attends que ça passe. En général, c’est le moment qu’Anatole choisit pour me faire un câlin. Un câlin obligatoirement de 8 secondes, parce que 8 secondes c’est le temps qu’il faut pour libérer de l’ocytocine, cette hormone favorisant la diminution du stress et de l’anxiété. C’est Anatole qui le dit ! J’y ai droit dès que la marée monte, à croire qu’il sent mieux que moi quand je risque de perdre pied… Alors, dans ces moments-là,  je me serre contre lui, le nez dans ses cheveux et les mains sur sa peau de bébé. Je me réfugie dans sa douceur, c’est ce qu’il y a de plus réconfortant au monde. Me cacher à jamais dans son cou m’aide à tout oublier.

L’importance de l’espérance

Avec Anatole, nous voyageons sur le dos de l’espoir. L’espoir que cette tumeur puisse disparaître un jour complètement. Que les handicaps puissent s’estomper au point de le laisser grandir en paix. Qu’il puisse à nouveau marcher, voir, sourire entièrement. Que l’on trouve enfin un remède pour soigner tous les enfants et tous les types de cancer… 

Ce n’est pas toujours facile d’espérer. Parfois je me trouve bien naïve, les mots trahissent une espérance tellement furieuse. A la limite de la folie ou de la stupidité, au choix. Ce n’est pas non plus facile d’espérer au nom des autres. Il ne faut pas être trop optimiste, trop péremptoire devant des situations qui, pour la plupart, nous dépassent. Les conséquences de nos actes et de nos mots nous échappent. Mais sans cet espoir, Anatole n’en serait pas là et nous non plus. Alors au nom de tous les enfants concernés, oui, je continue à espérer, à me barricader d’espoir, parce que c’est ce qui me tient droite, et que sur ce chemin-là, on ne peut avancer qu’en étant debout.

Septembre – solidarité en or

Nous pensons à toutes les familles pour qui la rentrée est une épreuve de plus. Pour beaucoup, ce temps anodin devient synonyme de complication, d’exclusion, d’abandon. C’est tellement vite fait. Nous vous invitons à vous joindre à la campagne de sensibilisation aux cancers pédiatriques “Septembre en or”. Les associations, les hôpitaux et centres d’oncologie et les communes proches de chez vous organisent sûrement des événements. En faisant preuve de solidarité, nous rompons l’isolement des familles et nous controns leur détresse. Nous donnons de l’espoir à ceux qui traversent ce désert de feu. Nous permettons à tous les acteurs de la lutte contre le cancer pédiatrique d’avoir une meilleure visibilité et donc plus de poids pour agir. Nous permettons à la recherche d’obtenir des moyens indispensables pour proposer de nouvelles pistes thérapeutiques. C’est le nerf de la guerre. Tant qu’il y a des options, il y a de l’espoir. Et on dit bien que l’espoir fait vivre, non ?

Et nous, nous continuerons de témoigner. C’est notre défi à nous, adultes, pour notre fils et pour tous les petits patients qui chaque année tombent dans les mailles du filet du cancer. Témoigner n’enlève pas les moments de doute, de grande tristesse, de lassitude ou de colère. Prendre la parole alors qu’on a peur, se montrer convaincant alors qu’on tremble, sembler sûr de soi alors qu’on ne sait pas plus que les autres peut paraître paradoxal, je le reconnais. Derrière notre espoir, on se sent finalement bien petit, hésitant et inquiet. Mais dans ces moments-là, encore heureux,  il y a les câlins de 8 secondes d’Anatole. 

Pour Célestine et sa famille, à qui nous pensons très fort, et à qui nous envoyons tout notre soutien.

En pensées pour Xavier, grand guerrier qui nous a quittés cet été.

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12 commentaires

Sylvie Hermodsson 16/09/2022 - 18:53

Plein plein d’ocytocine à vous, pour toujours….

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Philippe Georges 16/09/2022 - 19:20

Je pense souvent à vous. Je suis heureux que vous puissiez retrouver une vie plus apaisée. Anatole et vous deux avez tellement de force.

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François 16/09/2022 - 20:10

Comme toujours, la lecture de vos mots me fait prendre conscience de la chance que l’on a quand tout va bien, meme si l’on n’en a pas forcément conscience…
Vous êtes un modèle de courage et d’amour. Merci pour nous partager ces bonnes vibrations

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nicolas 16/09/2022 - 20:30

encore un temoignage ultra touchant, merci pour ces belles paroles qui nous vont droit au coeur.

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GUILLEMIN--DUMONT Laëtitia 18/09/2022 - 19:34

Quelle belle leçon de vie. J’aimerai tellement que tant de gens qui pour un petit rien c’est la fin du monde, de comprendre à quel point le combat peut-être dure et compliqué pour d’autres, comme pour Anatole et vous sa famille.
Je ne peux vous apporter mon soutien moral,vous envoyer des ondes positives, bulles de protection afin de le protéger et de le voir guérir et grandir.
Une belle pensée de force que je vous envoie.🙏🌻🍀🌿

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de Simone 16/09/2022 - 21:32

Bonjour Bravo pour votre courage je suis tellement content qu’Anatole aille mieux et j’espère que l’on trouvera rapidement un traitement définitif qui pourra le débarrasser lui et tout les autres enfants de cette saloperie de maladie.

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Bergeret 16/09/2022 - 22:19

Cc
Je croyais que C était 20 secondes les câlins !!! Du coup j ai triché en presque triplant l ocytocine !! C est beau ce que tu as écrit et tellement sincère… Vivement le 2 ème livre…
Des bisous à tous les 4.

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Delphine CJ 16/09/2022 - 23:49

De tout cœur avec vous. Plein de pensées positives. 🤍

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Rosain Christophe 17/09/2022 - 08:32

Un grand câlin de 8 secondes à Anatole et toute la famille

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claire gho 17/09/2022 - 10:14

go go go Anatole !
Tes parents et Lucie te soutiennent et tu es capable du meilleur !

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Ansart 19/09/2022 - 06:56

Merci pour ces nouvelles. Je vous suis depuis le début
Gardez courage et espoir.De tout cœur avec vous

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Renato 21/09/2022 - 15:00

8 secondes…un flash ou une éternité….mais dans les deux cas, toujours aussi importants.
Toujours avec vous toutes et tous

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